Le corps ne ment jamais
Nous, les êtres humains, sommes des conteurs. Nous adorons les histoires ! Nous aimons écouter des récits, inventer des fables, raconter des histoires… Et parfois, nous nous perdons dans nos propres contes, dans des fantasmes ou des illusions. Nous pouvons nous égarer dans notre propre tête et finir par croire dur comme fer à des histoires que d’autres ou nous-mêmes nous sommes racontées. Nous disposons heureusement d’un fantastique garde-fou, d’une boussole très fiable.
Voici l’un des grands apprentissages que je dois au chamanisme: le corps ne ment jamais. Ainsi que son corollaire: « quoi que tu fasses, cela ne doit jamais faire mal ». Si le corps a mal, cela signifie qu’il y a un excès, un déséquilibre ou un dysfonctionnement dans notre comportement ou nos habitudes. Une anomalie que la tête ignore. Elle l’ignore soit par inconscience ou méconnaissance, soit délibérément parce que le message transmis par la douleur ne lui plaît pas.
Pour les Occidentaux que nous sommes, il y a généralement un fossé entre la tête et le corps, entre ce que le mental raconte et ce qui se vit réellement dans le corps. Le mental se croit si supérieur au corps ! Ce sentiment de supériorité – de l’intellect sur la chair – donne au mental une grande propension à ignorer les signaux du corps, a fortiori quand ceux-ci ne vont pas dans le sens qui l’arrange.
Dans notre tradition judéo-chrétienne, le corps est bien peu de chose: « Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu redeviendras poussière » (Memento, homo, quia pulvis es, et in pulverem reverteris, Livre de la Genèse 3, 19). Cette parole – attribuée à Dieu – rappelle à l’être humain qu’il est mortel, que son corps va inévitablement vieillir, mourir et finir en poussière. Avant cela, il aura été perçu comme le lieu de pulsions animales et sexuelles, d’odeurs indiscrètes et de honteuses puanteurs, d’excrétions, de maladies et de miasmes divers, de douleurs terribles et inexpugnables. Sous cet angle, la condition humaine ne paraît guère enviable. Au regard de cet héritage religieux et socio-culturel, on comprend mieux le peu de considération souvent porté au corps. Et pourtant…
De mon point de vue, la trilogie la plus sacrée est celle formée par le Corps, l’Âme et l’Esprit.
Le Corps n’est pas moins important ou inférieur à l’Âme et à l’Esprit. Pour les êtres incarnés que nous sommes (du latin in- carne: « dans la chair »), rien ne peut être accompli en dehors du corps, ou sans la collaboration de celui-ci. C’est pourquoi la santé est primordiale. Hélas, c’est souvent lorsque nous l’avons perdue que nous nous rendons compte de la préciosité de la santé. Quels projets, entreprises, aventures ou rêves pouvons-nous poursuivre sans un corps qui nous porte et nous soutienne ? Que se passe-t-il lorsque le corps cesse de collaborer ? Qu’advient-il lorsque le corps se rebiffe, lui qui a si longtemps été traité comme un humble serviteur du mental ? A quand remonte la dernière fois que vous avez massé, caressé, soigné, admiré ou remercié votre corps ? Le plus souvent, le corps est jugé, soupesé, pesé, scruté, toisé, pressé, poussé, critiqué, ignoré, malmené.
Heureusement qu’il n’est pas rancunier ! Des miracles se produisent lorsque l’on change d’attitude vis-à-vis de son corps. Il n’est jamais trop tard pour commencer à l’écouter et à le prendre en considération pour entamer avec lui une relation saine et respectueuse. Ça aussi je l’ai appris (à la dure, je l’avoue) au cours de mon propre processus de guérison : il est possible de collaborer avec le corps, de s’en faire un allié et un ami. Il possède sa propre intelligence et constitue un système extraordinairement raffiné et complexe. Le corps est tout à la fois :
- une expérience entre la matière et l’énergie, dans la mesure où le corps est à la fois corps-matière et corps-énergie, pourvu notamment de centres (chakras) et de méridiens énergétiques, comme cela a été compris et décrit dans nombre d’anciennes traditions thérapeutiques (médecine traditionnelle chinoise, médecine ayurvédique, chamanisme, etc.) ;
- un émetteur-récepteur d’informations entre l’être humain et son environnement, entre l’être humain et les autres êtres vivants (visibles ou invisibles), entre le Ciel et la Terre : le corps est le lieu de la connexion ;
- une interface entre les émotions et le conscient, car le corps exprime nos émotions et nous permet de les conscientiser, pour autant que l’on sache l’interroger et l’écouter.
Notre corps ne cesse de nous parler, d’attirer notre attention et, s’il n’est pas écouté, il va crier de plus en plus fort. La douleur ou le mal-être va augmenter jusqu’à ce que nous réagissions. Il est aujourd’hui largement admis que le corps exprime très souvent (toujours ?) les maux de l’esprit. Nous sommes tous familiers avec la notion de « troubles psychosomatiques » (du grec "psyche" pour l'esprit et "soma" pour le corps), qui sont l’expression – dans le corps – des émotions, pensées, expériences psychologiques ou traumatismes vécus par un individu. Que raconte une épaule gelée ? Une migraine récurrente ? Une douleur chronique au dos ou à un genou ? Qu’est-ce qui se cache derrière des TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs) ou des allergies? Quel est le sens d’un syndrome du colon irritable ou d’un syndrome du cœur brisé ? Comment le corps a-t-il vécu une fausse couche ou un avortement? Qu’est-ce qui est exprimé par un symptôme ?
Ecouter le corps est un art et j’en ai fait mon métier. Que ce soit en prenant le pouls, en posant les mains, par l’acupressure ou en pratiquant la maïeusthésie (approche de psychothérapie brève), j’écoute le corps. Et je suis souvent émerveillée par sa sensibilité, sa précision et son intelligence. Je me rappelle l’exemple cité pendant ma formation en maïeusthésie d’une femme qui avait subi un viol et en était restée traumatisée. Elle, elle avait été entendue à maintes reprises par différents thérapeutes. En revanche, son corps n’avait jamais été écouté. Et lorsqu’il l’a été pour la première fois, le corps a pu exprimer que le plus traumatisant pour lui avait été le fait que l’esprit de la jeune femme l’ait quitté pendant le viol (phénomène de dissociation, une stratégie de protection du psychisme). Ainsi, pour ce corps, le plus difficile n’avait pas été le viol en lui-même, mais le ressenti d’avoir été « abandonné ». Après que ce ressenti a enfin été entendu pendant la séance de maïeusthésie, le processus de guérison a pu se déployer (à noter qu’il s’agit là d’un cas particulier : toute dissociation ne va pas forcément constituer un traumatisme pour le corps).
Il est non seulement possible d’écouter le corps en tant que tel, mais aussi le cœur, un autre organe, un membre et, en principe, tout ce qui a vécu et gardé mémoire. Cette écoute est profondément thérapeutique car, comme l’exprime si bien Guy Corneau: « Lorsque nous mettons des mots sur les maux, les dits maux deviennent des mots dits et cessent d'être maudits ».
N’attendons pas que notre corps hurle pour l’écouter. Soyons attentif. Soyons à l’écoute. Ayons de la considération pour ce véhicule d’incarnation qu’est le corps. Un malaise ou un mal-être, c’est déjà un murmure à notre oreille. Un symptôme, c’est une balise qui clignote et nous interpelle. C’est mon métier que d’écouter ce signal, puis de suivre le fil d’Ariane qui nous mènera vers ce qui attend d’être entendu, parfois depuis de nombreuses années. C’est aussi cela la thérapie informationnelle: vous accompagner, vous guider, afin que vous puissiez accéder aux informations qui vont vous permettre de guérir et de vous déployer pleinement en tant qu’individu unique et inestimable.
A votre écoute,
Corinne Maillard